Chapitre 8

Axis Intime

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Notre barque vogue sur l’onde émeraude, bordée de ciel couleur de caverne.

Des mille-pattes gigantesques glissent dans l’eau. Un grand chien noir au museau allongé, assis à l’arrière du bateau, me dit que leur dard est empli de poison. Parfois, des rayons de lumière frôlent ma peau nue. J’y vois d’étranges histoires écrites à l’encre bleue, qui changent à mesure que j’avance — je suis un livre vivant.

Mes sens ne distinguent rien, même pas l’absence d’air.

Nous avons dépassé des portes gardées par des étrangers qui ont testé ma peur. Mais la peur aussi m’a désertée. Je suis réduite au plus précieux de moi-même.

Nous voyageons depuis quelques éternités tissées dans la moitié d’un instant. Il n’y a plus d’avant, plus d’après, plus de mémoire et plus de moi, seulement la rivière verte qui coule comme elle a toujours coulé, depuis la nuit des temps.

Soudain, alors que notre embarcation est au milieu du fleuve qui file toujours vers l’horizon, le grand chien noir dit :

« Nous sommes arrivés. »

L’eau verte devient l’œil immense qui me jugera.

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© Caroline Vermalle. Tous droits réservés.