Chapitre 77
Le Jour D’Après (II)

Trente minutes plus tard, Florence avait tenté d’appeler Max vingt-trois fois.
Elle tournait dans la bibliothèque en désordre comme un lion en cage, le cœur au bord des lèvres, les larmes juste derrière. Car la vidéo du passage n’était pas la seule qu’elle avait regardée. Il y en avait aussi une autre :
«Sixtine.mov ».
Max, son ami, son amour, Max, celui-qui-était-parfait, lui avait menti.
Elle avait tout reconnu, même la fille, cette « Sixtine » qui n’était autre que Jessica Pryce.
Max avait découvert le tunnel. Il connaissait Jessica Pryce. Il l’aimait. Cette fille n’avait pas semblé comprendre tout l’amour contenu dans la phrase de Max. Florence, elle, le comprenait. Ces mots, elle en rêvait depuis le jour où elle avait rencontré Max.
Mais lui, il les disait à une autre.
Elle enrageait, souffrait, refusait de croire. Tout son corps, jusque dans ses plus petits mouvements, portait le poids de ce sort cruel. Elle égrenait les « pourquoi » sans jamais trouver de réponse. Et quelle ironie ! Malgré cette immense douleur, elle n’arrivait pas à détester Max ! Pire, son amour, ce traître, semblait croître, même ivre d’amertume. Un instant, Florence trouvait dans l’adieu de Max à Sixtine une consolation ; celui d’après, la simple présence d’un tel mensonge au cœur de leur relation faisait tout s’écrouler. Dans la seconde qui suivait, elle se rappelait qu’elle aussi avait omis de dire qu’elle avait promis à la BBC les images du tunnel. Mais c’était un mensonge si petit ! Pour sa carrière ! Ça ne comptait pas !
Alors que d’aimer quelqu’un d’autre, c’était tellement immense...
Après une heure, épuisée par ce vertige de questions et par l’attente seconde après seconde d’un appel de Max qui ne venait pas, Florence s’était recroquevillée sous sa couette. Son père frappa à sa porte de chambre, elle grommela qu’elle restait couchée. Elle l’entendit sortir de la maison. Elle resta seule, à fixer les moulures sales du plafond et se sentir misérable. Puis enfin - au bout de combien de temps ? une heure, un siècle ? - elle se leva et se dirigea, les dents serrées, vers l’ordinateur de Max.
En quelques minutes, elle avait réussi à copier le fichier « passage.mov » sur son ordinateur et à en extraire une séquence de trente secondes, en qualité minimum. Elle trouva aussi l’image satellite, dont elle fit aussi une copie. Puis sans s’arrêter, elle rédigea un email :
De : florence.mornay@bbc.co.uk
A : gayle.smith@bbc.co.uk
CC : jane.robinson@bbc.co.uk
Sujet : Re. URGENT : Néfertiti / bordel
Gayle
Tunnel sous Khéops = pas du bluff, en pj un avant-goût. Je vais le filmer aujourd’hui, je t’envoie les images ce soir. Enorme exclu mondiale.
Re. Néfertiti : media blackout, mais patience. Démission de Wood-Smith pas nette, je suis dessus, tuyau du Boston Fine Arts Museum.
Merci de dire aux Ressources Humaines de se calmer.
Florence
PIÈCE JOINTE : « passage30sec.mov », « satellite.pdf »
Pendant ce temps-là, à l’heure où la ville qui ne dort jamais dormait pourtant, Cheryl Wood-Smith courait à en perdre haleine dans un parking souterrain du Meat Packing District.