Chapitre 78

Effondrement Progressif (II)

Chapter illustration

Max sentit sa poitrine se contracter, ses bras tomber le long de son corps et ses genoux heurter le sol spongieux près des herbes.

Même agenouillé, il pouvait voir le visage de Naya, le cou en arrière, les sourcils hauts, la bouche entrouverte, sa peau telle de la porcelaine, comme si un artiste l’avait figée au moment où elle s’échappait vers des horizons supérieurs. Des longues herbes s’emmêlaient dans ses cheveux qui ondulaient dans le courant, et lui tressaient une couronne. Dans son linceul millénaire trempé des larmes de Spidey, Naya semblait si sereine, comme si elle disait à Max : n’aie pas peur.

Mais la peur de Max se décuplait en un désespoir et une colère plus grandes encore que celle trouvées dans le tunnel effondré.

Dans sa complainte, Spidey égrenait ce qui s’était passé. S’adressait-il à Max, ou aux dieux, ou à lui-même ? Ou au monde entier pour que jamais, plus jamais, aucune fille n’ait à mourir ainsi ?

Naya avait découvert le tunnel et dans sa joie, elle avait oublié d’être prudente. Elle avait rejoint Spidey et ils s’étaient aimés pour la première fois, malgré ce petit tatouage qu’il avait au creux du poignet et qui devait les séparer pour toujours.

Elle était Musulmane, il était Copte.

Spidey avait retenu sa leçon, apprise lorsqu’il avait vu la mort dans son tunnel, il lui avait dit qu’il l’aimait et qu’elle était plus belle que tous les tunnels. Ils avaient fait l’amour dans un coin misérable qui avait pris des airs de palais sous leurs caresses. Et après cette nuit sublime, la première, mais aussi la dernière, le père et les cousins étaient arrivés et les avaient séparés avec toute la violence qu’ils connaissaient.

Naya s’était débattue. Comme une guerrière, disait Spidey. Et puis les coups sur Spidey avaient continué et il avait perdu connaissance, juste assez pour se réveiller sur les bords du Nil, aux côtés de son amour mort.

Max écoutait mais ses yeux regardaient presque sans le savoir les trois grandes pyramides d’Égypte. Aqmool. Il ne l’avait jamais appelé, interrompu par l’arrivée de Florence. Aurait-il pu sauver Naya, s’il avait reçu l’aide qu’Aqmool avait promise ? Max voulait sauver le monde. Mais il arrivait toujours trop tard ; comme pour Nasser, comme pour Naya.

Et Sixtine... pour Sixtine cela avait été trop tard depuis le début.

Sans réfléchir, il composa le numéro du policier. Il s’entendit lui dire tout ce qu’il savait sur la pyramide, sur le meurtre, sur Naya, sur les lotus, sur tout - gardant juste pour lui Sixtine.

Il donna en hâte l’adresse de Florence, qu’il fallait protéger à tout prix.

Max prit un taxi, le somma de faire vite. Quand il arriva dans la grande maison, il appela, n’entendit rien, eut un mauvais pressentiment. Il vit enfin Charles debout dans la cuisine, tout pâle, un bout de papier entre les mains. Une note de Florence.

Papa, si je ne suis pas revenue avant minuit ce soir, n’appelle pas les flics, appelle Max, il saura où me trouver.

Je suis dans le passage de Khéops qui n’existe pas.

← Chapitre précédent Chapitre suivant →
© Caroline Vermalle. Tous droits réservés.