Chapitre 121
Maëlstrom

Perché au-dessus de la rivière verte, Max se retrancha dans les ombres d’une crevasse. Lui aussi était hypnotisé par ces innombrables trésors. Florence et la femme à la robe verte conversaient toujours sur la passerelle. L’écho lui confiait leur dialogue animé avec une clarté étonnante, alors qu’il était à une bonne trentaine de mètres d’elles.
Il comprenait à présent ce qu’il avait épargné à Livia. Il n’avait aucun doute : elle aussi aurait choisi de nager vers l’or plutôt que la liberté. Et les robes noires auraient interprété ce choix comme une confirmation du destin.
Que se passait-il ensuite ?
La nausée retourna son ventre lorsqu’il se souvint des deux corps dans le cercueil. Comment avaient-ils trouvé la mort ?
Florence et la femme à la robe verte firent demi-tour, et Max se tassa encore lorsqu’elles passèrent à quelques mètres sous lui. Puis il se faufila parmi le dédale de rochers et de parois, jurant contre la douleur dans sa jambe qui le ralentissait. Il jura plus encore lorsqu’il perdit les femmes de vue.
Elles prenaient de l’avance, et il ne pouvait pas se permettre de les perdre. Entre autres parce qu’il n’était pas tout à fait sûr de retrouver ce chemin dans ce labyrinthe géologique.
Il s’accrochait à la direction de leurs voix qui s’éloignaient. Soudain, il distingua la possibilité d’un raccourci : une passerelle branlante qui semblait être à l’abandon. Il mit un pied dessus, testant sa solidité.
Il l’avait à peine touchée que la corde qui les tenait se désintégra, envoyant dans le vide plusieurs tiges de bambou attachées ensemble avec de la tresse de liane.
Max retint son souffle.
Par chance, elles manquèrent de quelques centimètres la passerelle où s’était trouvée Florence, évitant ainsi un fracas assourdissant. Les tiges de bambou s’enfoncèrent sans bruit dans la rivière verte, remontant immédiatement à la surface.
Max les regarda flotter sans y faire trop attention.
Comment allait-il retrouver Florence ? Et que faire une fois qu’il serait devant elle ? De quel côté était-elle ?
Au Caire, il s’était promis de l’oublier, car l’ambition qui la rongeait était plus forte que lui et plus forte qu’elle-même. Elle voulait tant se faire un nom, et elle se trouvait à présent au cœur de la société secrète créée par son ancêtre. Qui était-elle ? Était-elle amie… ou traîtresse ?
Il fixait toujours les tiges de bambou coulant à la surface de la rivière verte. Elles étaient presque arrivées là où la rivière se divisait en deux. Il se demanda si le courant allait les pousser plutôt vers l’or ou vers la clairière. Il constata qu’elles bifurquaient vers la salle des trésors.
Mais alors qu’elles passaient sous le regard de pierre des colosses millénaires, les tiges de bambou se mirent à tourner.
De plus en plus vite.
Soudain l’eau s’ouvrit en un remous hargneux. Les deux tiges se tortillèrent si violemment que la liane qui les reliait céda. Puis, après une bataille vaine, elles disparurent dans l’œil sombre du maelstrom, pour ne jamais réapparaître.