Chapitre 132
Amen

Han poussa les doubles portes de la grande salle. Elles s’ouvrirent sur la silhouette longiligne de Sixtine, de dos, en contre-jour face à l’immense baie vitrée donnant sur les jardins enneigés. Elle semblait si petite parmi les imposants portraits qui ornaient les murs sur quatre niveaux, jusqu’au plafond orné de marqueterie.
— Mademoiselle… Sommes-nous prêts ?
Sixtine se retourna. Ses doigts frôlèrent la longue table, elle poussa distraitement une des chaises puis regarda les portraits.
Oui, elle était prête.
Les pas de Han résonnèrent sur les dalles en marbre du long couloir de Falmouth Manor. Le mur avait été fraîchement repeint d’un bleu mat, mais les peintres étaient rentrés chez eux sans avoir fini. Devant l’échafaudage, le bleu, pur, profond, vibrant presque, couvrait des arabesques fleuries fanées et sales. Des cadres aux dorures craquelées, encerclant d’illustres ancêtres dont le temps avait presque effacé le nom alambiqué, étaient posés à même le sol.
Il faudrait les amener à la cave avant qu’ils ne s’abîment, pensa Han en croisant le regard d’un vicomte enterré depuis un siècle. Oui, enterrés vivants dans la cave humide où personne n’allait plus, voilà une destinée qui seyait bien à ces personnages.
Le majordome, un sourire apaisé aux lèvres, passa de larges escaliers en colimaçon et continua sa route, s’engouffrant dans une suite de pièces dont le parquet grinçait. Çà et là, des cartons, des meubles encore sous plastique, une pile de plans d’architectes sur un fauteuil, des tapisseries qu’on arrache : les signes du renouveau.
Dans quelques semaines, Falmouth Manor serait méconnaissable. Et pourtant, son histoire était toujours là, bien vivace, faite de murmures tapis dans les coins. C’était pour cette raison que Sixtine en était devenue la propriétaire.
Elle était la gardienne de ses secrets autant que de ses murs.
Le majordome poussa une autre double porte et se trouva dans un vestibule circulaire aux odeurs d’acrylique. Cette partie du manoir était achevée. Mikaël, le père de Sixtine, s’y était installé pour écrire. Cela manquait de chaleur, pensa Han, mais il était obligé d’admettre que le résultat était saisissant : les rares meubles étaient blancs, tout comme les objets d’art, eux aussi rares. Le blanc n’était pas éblouissant, mais plutôt hivernal, poudré, presque plâtré. Un marbre romain dormait dans une niche ronde. La lumière du soir, entre chien et loup, coulait à travers un dôme blanc.
Les voix des invités, rassemblés dans la grande bibliothèque, lui parvinrent une fois qu’il eut franchi le vestibule. Han posa la main sur la poignée de porte, et s’arrêta. Il mit son oreille contre le battant. Il reconnut un rire féminin, une toux enjouée, la cheminée qui crépite, une répartie qui fuse. Ils étaient heureux d’être ensemble, mais nerveux à la fois. Ils n’avaient aucune idée de la raison de leur présence ici. Ils n’avaient pas vu Sixtine depuis un an.
Han vérifia sa montre. Une des invitées n’était pas encore arrivée, mais il ne pouvait plus se permettre de l’attendre. Il était le temps de faire face à ceux qui étaient déjà là, et de leur révéler la véritable raison de l’appel de Sixtine.
— Mesdemoiselles, messieurs…
Max était debout, accoudé sur la cheminée, un livre à la main. Il se tourna vers Han. Son visage projetait naturellement la curiosité et l’amitié, mais ses traits étaient tirés par la nervosité. Une intensité franche, presque enfantine, animait ses yeux. Il referma son livre avec délicatesse.
Ne dépassaient du fauteuil club à côté de lui que des jambes rondelettes finies par des baskets blanches cloutées, des coudes tatoués et une chevelure rose désordonnée. Le visage de Florence émergea du cuir usé, et un sourire malicieux accueillit Han.
Franklin était assis sur une chaise face au feu, faisant tourner dans ses doigts une allumette. Les flammes faisaient scintiller l’or de sa boucle d’oreille. Lorsqu’Han entra, il ne bougea que les yeux, son regard noir se précipitant sur lui avec la vélocité de celui d’un prédateur. Il fallut quelques secondes pour qu’il se fende d’un sourire amical, et déploie son grand corps dans une posture plus décontractée.
Aziza Rust était la seule en mouvement. Une main enfoncée dans la poche de son jean moulant, une autre contre son oreille, agrippant un téléphone portable, elle faisait les cent pas au fond de la bibliothèque. Lorsque Han s’approcha du groupe, elle raccrocha et se dirigea vers lui.
— Bonjour Han, savez-vous à quelle heure vous pourrez nous libérer ?
— Mademoiselle, personne ne vous retient prisonnière.
— J’ai des rendez-vous à Londres. Pensez-vous que nous aurons fini dans deux heures ?
Han fixa Aziza de son regard pétillant et éleva suffisamment la voix pour que les autres puissent l’entendre.
— Oui, nous aurons fini dans deux heures…
Aziza saisit son téléphone portable, prête à envoyer un message.
— ... mais si je puis me permettre, lorsque nous aurons fini, je ne pense pas que vous souhaiterez quitter Falmouth Manor ce soir.
Quatre paires d’yeux s’abattirent sur lui.
— Une chambre a été préparée pour chacun de vous, vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin pour passer la nuit.
Aziza fronça les sourcils et pianota sur son smartphone, mais Han nota avec satisfaction que les autres semblaient ravis de cette tournure des événements.
— Je sais que vous êtes impatients de savoir ce que Sixtine va vous annoncer, et la raison pour laquelle il était si important que vous soyez rassemblés ici aujourd’hui. Votre temps est précieux, et nous sommes reconnaissants des efforts que vous avez faits pour venir jusqu’ici.
— Des efforts que vous avez fait pour nous amener ici, interrompit Franklin d’un ton plaisantin.
Han savait que, parmi eux, Franklin était le plus mal à l’aise avec les jets privés affrétés et les divers dédommagements nécessaires à l’organisation de leur venue, en urgence, à Falmouth Manor. Aziza avait accepté moyennant la documentation légale sur chaque transaction et Florence y avait à peine fait attention. Max, lui, avait tout simplement refusé quelconque paiement.
Aucun d’eux ne s’était attendu à trouver les autres ici.
— Je me permets de vous le répéter, monsieur Hunter, personne n’est prisonnier ici. Nous avons juste pensé que vous souhaiteriez prendre votre temps pour réfléchir à la proposition de Sixtine. Après tout, une décision qui va changer le cours de votre vie mérite qu’on y réfléchisse dans les meilleures conditions, n’est-ce pas ? Le dîner sera servi à 20 h 30. Si vous voulez vous donner la peine de me suivre…
* * *
Sixtine était parfaitement calme. Les paumes de ses mains étaient sèches, ses doigts tranquilles, les battements de son cœur réguliers. Un minuscule sourire étirait ses lèvres et éclairait un peu plus le vert de ses yeux. Elle savait bien que les chocs, le deuil, les visions étaient toujours là. En les acceptant, elle les avait fait sombrer dans les souterrains d’elle-même. La surface était limpide et sereine. Et elle connaissait sa vocation.
Maintenant, il était temps de leur dire.
Lorsqu’elle entendit les pas désordonnés contre le marbre du couloir, un léger frisson la parcourut. C’était le point de non-retour. Elle respira profondément, son souffle créant un cercle de buée qui grandit et s’évanouit comme une immense fleur de brume sur les jardins de Falmouth Manor.
Les jardins de Vivant Mornay. Ses jardins.
Elle ne se retourna pas lorsqu’elle entendit la double porte s’ouvrir derrière elle. Elle attendit le silence. Puis elle pivota et leur fit face.
— Je n’ai pas besoin de vous demander si vous croyez aux anges ? Chacun de vous ici est revenu de la mort.
Sixtine marcha à travers la pièce. Elle passa près de Franklin.
— Franklin, cette carcasse de voiture à Boulaq… Le soleil se couchait, l’appel à la prière résonnait dans le quartier, il y avait du sang, le vôtre, sur le siège en skaï défoncé. Aziza vous a offert une seconde chance en plaçant un autre corps dans votre cercueil militaire.
Ses bottes faisaient craquer le parquet.
— Florence, la grotte, les profondeurs de l’eau verte, les falaises luisantes, les mille-pattes et l’odeur d’algues. Max, le bruit des rats qui cherchent une issue, comme vous, dans le tunnel effondré.
Elle laissa traîner ses doigts sur le dossier d’Aziza.
— Aziza, le carrelage en marbre poisseux d’essence et des particules d’or qui vous brouillent la vue…
— Je ne pense pas que tout cela soit nécessaire, interrompit Aziza.
Mais Sixtine l’ignora.
— Han, il y a soixante-trois ans. Le bateau trop chargé était vert et blanc.
Le vieux majordome bougea à peine, pourtant Sixtine décela la surprise sur son visage. Il baissa les yeux.
— On dit que l’homme n’est pas capable d’envisager sa propre mort. C’est faux : ceux qui l’ont vue en face une fois ne l’oublient pas. C’est pour cette raison que je vous ai fait venir. Pour vous parler de votre deuxième chance.
Elle s’assit sur la table, et les dévisagea.
— Thaddeus nous a rassemblés. C’est lui qui a mené Florence et Max à la pyramide. Franklin était déjà sur ses traces, et d’une certaine façon, Aziza l’était aussi. Il avait engagé Han pour veiller sur moi à la mort de Seth.
Puis elle s’arrêta, et un sourire malicieux se dessina sur ses lèvres.
— Et quelqu’un d’autre que Thaddeus a mis sur notre chemin va nous rejoindre... d’un moment à l’autre.
À ce moment, la double porte s’ouvrit. Tous se retournèrent. L’énergie dans la pièce changea. Sixtine aurait pu jurer que les personnages des portraits se recroquevillèrent.
— Je n’ai rien manqué ?
Son visage de squelette, encadré dans ce décor baroque, était magnifique.
— Vous connaissez tous Cybelle.
La surprise avait entr’ouvert la mâchoire de Max, et Florence la regarda du coin de l’œil, fascinée. Cybelle s’installa à côté de Sixtine et croisa ses interminables jambes moulées dans du cuir noir.
— Nous parlions des deuxièmes chances, lui dit Sixtine.
Cybelle hocha lentement la tête. Elle aussi revenait de loin.
— Et de Thaddeus.
Sixtine inspira, les yeux dans le ciel chien et loup au-dessus des jardins de Falmouth Manor.
— Thaddeus était un ange. Sa vocation était de venger les femmes victimes d’Humanitas, particulièrement celles assassinées les années où sa sœur était à la tête de l’organisation. Ce fut l’époque la plus sanglante, on a compté plus de trente morts. Il lui fallait aussi s’assurer qu’Humanitas soit détruit à jamais, et que ses actes infâmes entrent dans les livres d’histoire pour éviter qu’ils ne se reproduisent.
Florence baissa la tête, et ses doigts jouèrent avec l’ourlet de son tee-shirt.
— C’est ce qu’il a réussi à faire avec le scandale international causé par Néfertiti. Non seulement il a accompli sa vocation, mais j’aime à croire qu’il a changé le monde.
Un frisson parcourut sa peau et elle hésita. Il était temps d’accepter sa nouvelle réalité. Les ultimes rayons de soleil projetèrent une brillance orange sur son profil. Elle regarda droit devant elle.
— Deux anges. L’un pour sauver, l’autre pour venger. Celui qui a vengé n’est plus de ce monde. Celui qui reste… c’est moi. Je suis l’ange gardien.
Cybelle fut la première à réagir. Menton haut, elle lui offrit un sourire de défi, complice et fier. Franklin fit tourner son alliance en or sur la peau sèche de ses mains et lança un regard à Aziza, qui lui répondit avec des yeux scintillants d’anticipation. Florence, les bras croisés, fixait un point quelque part dans les jardins. Max, droit sur sa chaise, observait Sixtine de ses yeux noirs où brillait une intensité retenue et impassible. Il les baissa lorsque la jeune femme posa les siens sur lui, puis se décida à soutenir son regard.
Enfin, Sixtine saisit le grand livre à la reliure en cuir et le déposa sur la table. Elle feuilleta plusieurs pages, sur lesquelles étaient calligraphiés des noms. Florence tendit le cou pour voir.
— J’ai ici la liste des victimes de la société secrète de Vivant Mornay et d’Humanitas. J’en ai compté quarante-deux. Personne ne pourra plus les sauver. Mais si elles restaient anonymes, elles mourraient une deuxième fois. C’est en découvrant qui elles étaient, comment elles sont arrivées entre les mains d’Elizabeth von Wär et où elles sont enterrées que nous pouvons les honorer. Je viens de passer ces derniers mois à retracer leur histoire. J’ai réussi à recomposer trente-sept vies.
Sixtine caressa les pages du livre.
— Mais il en manque cinq.
Elle ouvrit la dernière page. Y étaient inscrits cinq prénoms féminins. Aucune date. Aucun nom de famille. Aucun détail.
— Cinq femmes qui ont été cueillies alors qu’elles avaient la vie devant elles. Cinq femmes à qui on a menti et qu’on a forcées dans une tombe. Cinq femmes mortes sans que personne ne s’en aperçoive, sans que personne ne les réclame. Cinq vies interrompues, et aucune empreinte sur terre.
Son poing s’était serré, comme sa gorge. Elle se força à continuer.
— Une vie, même la plus courte, même la plus ordinaire, laisse toujours une empreinte. Ces femmes méritent qu’on les retrouve, qu’on leur redonne leur place, et par-dessus tout, qu’on raconte leur histoire. Pour que cela ne se reproduise plus. Pour que les petites filles sachent qu’elles sont les seules gardiennes de leurs richesses, qu’elles sont des reines qui décident de leur destinée. Que leur beauté n’existe pas pour qu’on la collectionne. Je veux qu’on raconte l’histoire de ces femmes pour que plus jamais un homme ne considère une femme comme son trésor.
Le silence s’était installé, lourd d’émotion. Un oiseau noir se posa sur la fenêtre, resta immobile un instant, puis déploya ses ailes couleur de nuit et disparut.
— Je sais maintenant pourquoi je suis revenue, dit Sixtine, son cœur battant dans sa gorge. C’est ma vocation. Je ne compte pas l’accomplir seule. Si je vous ai invités ici, c’est pour vous poser la question : pourquoi êtes-vous revenus de la mort ? Quelle est votre vocation ?
Franklin ricana en secouant la tête.
— Justiciers, hein ?
Sixtine se contenta de sourire. L’éclat pétillant dans les yeux noirs de Franklin lui avait déjà donné la réponse qu’elle cherchait.
— Justicières, corrigea Florence. On change les règles. L’adjectif s’accorde à la majorité, féminine dans notre cas. N’est-ce pas Aziza, Cybelle ?
— Amen, ma sœur, dit Cybelle, présentant la paume de sa main à Florence, pour un high-five.
Alors que leurs mains se rencontrèrent, Sixtine crut voir les joues de Florence se colorer de rose.
— L’objectif est honorable, dit Aziza, la voix grave. Je vois que nous avons collectivement les compétences requises, et vos ressources. Mais concrètement, je ne vois pas comment…
Sixtine tourna la tête vers Han, qui attendait son signe. Il ouvrit le tiroir d’une impressionnante commode et en tira cinq enveloppes en papier kraft.
— Vous trouverez dans ces enveloppes les détails de l’opération, les conditions de mon offre.
Florence sortit plusieurs documents de l’enveloppe. Elle s’esclaffa.
— Un appartement à Falmouth Manor. Si je dis oui, je peux avoir mon ancienne chambre ?
Sixtine acquiesça.
— Elle est prête depuis deux semaines.
— Et si l’un de nous refuse ? demanda Max, sans la regarder.
Sixtine s’efforça de garder l’expression de son visage neutre. Elle s’était attendue à un refus de tous, sauf de Max.
— J’ose espérer que vous resterez quand même ce soir pour dîner, dit-elle.
— Non, continua Max, les yeux toujours sur les papiers. Non, vous pouvez compter sur moi. Même s’ils refusaient tous, Sixtine, vous pourriez compter sur moi.
Il leva enfin les yeux sur elle ; il avait dit cela comme si c’était une évidence qui épuisait tout son être, mais qu’il s’était résigné à ne plus combattre.
Le corps de Sixtine se détendit, et la gratitude fit briller le vert de son regard, ce qu’il accepta comme une offrande.
— Moi aussi, soupira Florence. Je crois qu’on est tous d’accord que j’avais besoin d’un nouveau cap.
Le ton enjoué de Florence n’empêcha pas Sixtine de noter que sa main tremblait légèrement. Ils tremblaient tous, probablement. Ils étaient tous des survivants.
— Okay, dit Franklin, s’efforçant de cacher son émotion. Okay. Il va falloir que je me fasse à la cuisine anglaise, mais ça ne peut pas être pire qu’à l’armée.
— Si si, ça peut, répondit Max.
Florence lui donna un coup de coude et ils se mirent à rire.
Cybelle jeta l’enveloppe sur la table, et se balança sur sa chaise.
— Compte sur moi, Sixtine.
Sixtine scruta à nouveau Aziza. Son visage était toujours sévère, mais les muscles de ses mâchoires ne striaient plus ses joues.
— Donc, si je résume bien, vous vous attendez à ce qu’on abandonne notre vie du jour au lendemain, qu’on s’installe chez vous, et qu’on change le monde en compagnie d’un ange… avec seulement un discours touchant et quelques bénéfices ?
— C’est exactement ça, répondit Sixtine.
Aziza se leva, posa délicatement son enveloppe sur la table et se dirigea vers la fenêtre. Le jardin était plongé dans l’obscurité. Seuls les éclairages qui longeaient la terrasse illuminaient le dessous des arbres, dont la canopée sombre se mêlait au ciel.
— Je ne sais pas si je peux vous donner cette promesse. Ce n’est pas à vous que je vais apprendre que la justice est un sale métier. Vous avez souffert plus que nous tous. Pourquoi ne pas profiter de votre fortune dans la sérénité de cet endroit ? Refaire votre vie ?
Sixtine sourit. Elle savait qu’Aziza la rejoindrait, et qu’elle serait sa plus fidèle alliée. Mais il lui faudrait du temps, à elle aussi.
— Ma vie n’est pas à refaire, dit Sixtine. Elle est à continuer. Et enfin, elle a du sens.
— C’est tout ce que vous avez à gagner ? Donner du sens à votre vie ?
— C’est déjà beaucoup.
Puis elle s’approcha d’elle et murmura :
— Mais vous avez raison, j’ai bien plus à gagner. Une fois ma vocation accomplie, j’aurai les clefs de mon royaume.
Aziza haussa un sourcil.
— Votre royaume ?
Sixtine éclata d’un rire spontané et innocent. Le premier, peut-être, depuis la rivière verte.
— Un royaume de falaises, de dunes et d’immortelles. Ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants…
Aziza marqua d’abord la surprise. Puis, dans un geste tendre et maternel, elle toucha son bras.
— Après tout ce que vous avez vécu, vous croyez encore aux contes de fées ?
Sixtine se tourna vers la fenêtre. Dans le reflet de la vitre, elle voyait derrière elle Franklin, Max, Florence, Han et Cybelle illuminés d’une nouvelle raison d’être et d’une amitié toute neuve. Elle plongea son regard apaisé dans la nuit claire qui dansait sur la cime des arbres de Falmouth.
Les étoiles semblaient dessiner une constellation en forme de scarabée d’or.
— Plus que jamais, murmura-t-elle.