Chapitre 150

NOPD Blues

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Les locaux du Septième District de la NOPD étaient toujours les mêmes, pensa Franklin. Surtout à neuf heures du soir, lorsque ses seuls habitants étaient des flics exténués et quelques âmes perdues.

Il tendit la note rédigée par Aziza Rust, ornée du logo du FBI, à une jeune flic Noire à la poitrine encombrante et aux cheveux rasés. Elle la parcourut, tapa sur un clavier sale.

Vingt-cinq ans avaient passé depuis sa dernière visite, et malgré cela le commissariat avait toujours cet air négligé, mal aimé. Même les équipements neufs semblaient attendre une inévitable désuétude. L’odeur de sueur et de plastique était infusée de cigarette froide. Pourtant, personne ne fumait plus depuis longtemps.

C’était le passé qui collait aux murs.

— Le détective qui peut vous aider pour les bouteilles vaudoues ne sera là que demain, dit la jeune flic en lui rendant sa note. Sinon, les dossiers que vous avez demandés devraient être aux archives. Vous connaissez le chemin, ou vous voulez que je vous prenne par la main ?

— Si c’est aussi bien rangé qu’au temps de Willow, je veux bien un peu d’aide.

— Ah, le vieux commandant Willow, s’esclaffa-t-elle en s’extirpant de sa chaise à roulettes. Le dernier des justes. Mais pas trop à cheval sur la paperasse, ça, c’est vrai.

Elle se dandina à travers un long couloir de linoléum rouge. Franklin essaya de s’accrocher aux détails sans importance, une photo de famille collée sur un ordinateur, une plante verte asséchée sur un rebord de fenêtre, un parapluie accroché à un porte-manteau, ces fragments de présent entrevus au hasard d’une porte ouverte. Chaque parcelle du corps de Franklin résistait au passé et à son insupportable cortège de souvenirs.

Une porte s’ouvrit, la lumière fluorescente des luminaires-grille vacilla un instant, puis submergea une pièce étroite sans fenêtre de sa blancheur trop vive.

— 1987, vous m’avez dit, hein ? Voyons s’ils sont à leur place.

Elle ouvrit des cabinets cabossés, et ses doigts potelés sautèrent sur les dossiers suspendus.

Franklin s’assit à l’unique table, son corps tendu de fatigue.

Toutes ces années à risquer sa vie pour le masque de Toutankhamon. Les mois de solitude au Caire, sa carrière en lambeaux, la déchirure de sa famille. Ce n’était qu’un prélude orchestré par le destin pour l’amener ici, à la vérité. Il la fuyait depuis si longtemps qu’il n’avait jamais pensé au jour où il serait face à elle.

La voix chantante de la jeune flic se réverbéra contre le métal des tiroirs.

— On y est. 86-934-S, l’affaire Boucvalt, avec la déposition de Lanaa Steele à la fin. Monsieur Hunter, c’est votre jour de chance !

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