Chapitre 197

L’Héritage De Vivant

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Florence raccrocha le combiné du vieux téléphone de la bibliothèque avec tant de délicatesse que seul le chat entendit le minuscule claquement qui précéda un silence lourd et total.

L’animal releva la tête. Peut-être avait-il compris les mots de Franklin à l’autre bout de la ligne :

Lucia est morte.

Florence resta debout, les doigts toujours accrochés au téléphone, face à la fenêtre. Elle laissa le temps couler, incapable de ressentir une quelconque émotion, excepté un vaste vide. Dehors, le soleil continuait sa lente descente vers l’ouest, les arbres continuaient à se laisser bercer par le vent, les oiseaux continuaient à virevolter autour de la chapelle : la vie à Falmouth Manor suivait son cours, sans aucun scrupule apparent.

Pourtant, la cloche de la chapelle aurait dû sonner : l’héritage des Mornay avait fait une nouvelle victime.

Florence, la gorge serrée, la bouche entr’ouverte, les yeux vacillants, ne ressentait toujours rien. Elle tentait de s’agripper à un remords, une consolation, une excuse ; mais elle était seule au milieu d’un désert froid. Au fond d’elle-même, savait-elle qu’elle profitait des derniers instants avant l’assaut inévitable de l’horreur, du dégoût, et des remords les plus vicieux ?

Finalement, ce fut la tristesse qui mena le cortège. La tristesse du deuil, ouvrant béante la gueule de la rage. Les larmes n’osèrent même pas suivre.

Le chat s’enfuit soudain, ayant décelé les signes avant-coureurs de la destruction.

L’instant d’après, une lampe valsa, perdit son abat-jour, sa lumière disparaissant dans les brisures d’ampoule. Le grand livre s’écrasa sur le mur, les punaises déchirant une de ses pages. Puis toutes les pages de tous les livres de la bibliothèque tremblèrent du cri lancinant et impuissant de la dernière descendante vivante du grand Vivant Mornay. 

Il fallut que ses mains déformées par la furie broient une douzaine des portraits de HH pour que Florence, le visage violacé de hargne et de larmes, s’accorde une trêve.

L’idée lui vint à ce moment-là, comme un rai de lumière pâle au milieu des gravats.

La chapelle.

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